
PIERRE-AUGUSTE RENOIR 1841-1919
41 x 63 cm (avec cadre)
Cadre en bois doré et sculpté, Italie, XVIIIème siècle.
Incité par son médecin à quitter Paris pour la côte méditerranéenne, l'artiste achète la ferme des Collettes en 1907, après avoir voyagé à plusieurs reprises dans la région.
Renoir est tellement séduit par le charme rural du bâtiment d'origine qu'il laisse les vieilles structures intactes et fait construire une nouvelle maison pour sa famille. Les Collettes et les vues environnantes sur la ville médiévale de Cagnes-sur-Mer constituent une source d'inspiration inépuisable pour l'artiste, qui cherche à capturer les oliviers noueux, les prairies gorgées de soleil et les bâtiments blanchis à la chaux sur des toiles intimistes, comme notre œuvre en témoigne.
Ici, les oliviers du terrain des Collettes structurent notre panorama et leurs arabesques contrastent avec les lignes du linge étendu venant ponctuer la scène de touches éclatantes.
Une légère brise est aussi créée par des coups de pinceau fluides conférant un sentiment de légèreté à l’ensemble.
La forte lumière du soleil méditerranéen encourage Renoir à éclaircir sa palette déjà vive et le conduit à utiliser de plus en plus de nuances de rouge pour capturer la terre de Provence. Des taches de rouge apparaissent partout à l’avant des arbres de notre composition, entraînant ainsi notre regard, tandis que le bleu perçant du ciel s’immisce dans les ombres froides du linge et de l'herbe en contrebas.
Afin de capter sans relâche les effets fugaces de la nature, Renoir a construit dans son oliveraie une structure en verre servant de studio en plein air.
L’attention nouvelle qu'il porte au paysage environnant l'amène à déclarer, lors d'un entretien avec le critique d'art René Gimpel en 1918 : "L'olivier, quelle brute ! Si vous vous rendez compte de la peine qu'il m'a causée. Un arbre plein de couleurs. Pas génial du tout. Ses petites feuilles, comme elles m'ont fait transpirer ! Un coup de vent, et la tonalité de mon arbre change. Les couleurs ne sont pas sur les feuilles, mais dans les espaces entre elles. Je sais que je ne peux pas peindre la nature, mais j'aime me débattre avec elle. Un peintre ne peut pas être grand s'il ne comprend pas le paysage" (Renoir cité dans J. House, Renoir, catalogue d'exposition, Londres, 1985, p. 277).
Les paysages de Renoir de cette période sont aussi généralement peints à une échelle plus petite, mais malgré leur taille plus intime, ce sont des œuvres complètes, densément peintes et très colorées, illustrant sa conviction qu'une peinture doit être attrayante à regarder, apportant du plaisir à la fois à l'artiste et au spectateur.
Il a d’ailleurs déclaré au jeune artiste Albert André : "J'aime un tableau qui me donne envie de m'y promener, si c'est un paysage" (Renoir cité dans J. House, Renoir, catalogue d'exposition, Londres, 1985, p. 14).
À cet égard, l’œuvre de Renoir se tient à l'écart de la doctrine artistique, de la politique ou des développements de la photographie et du cinéma qui ont influencé tant d'autres de ses contemporains. Ses compositions intemporelles offraient un refuge et à l'époque où il a peint cette œuvre, Renoir se tournait de plus en plus vers le classicisme du XVIIIe siècle.
En s'installant sur les rives de la Méditerranée, il a redécouvert son amour de l'antiquité classique, ainsi que son intérêt précoce pour des artistes tels que Watteau, Fragonard et Delacroix, dont il avait étudié les œuvres au Louvre.
Bien que malade à la fin de sa vie, Renoir continue à peindre tous les jours, sauf le dimanche. En effet, Matisse, qui visita la maison en 1917, fut étonné de voir l'œuvre mature de Renoir et déclara que ces paysages extemporanés, qui célèbrent la beauté de la chaude côte méditerranéenne, étaient "tous ses meilleurs travaux" (Matisse cité dans F. Harris, Contemporary Portraits, Fourth Series, New York, 1923, p. 125).
Notre Paysage aux Collettes a notamment fait partie de la prestigieuse collection de Blanche Swift Morris. Née en France, Blanche de Bilbao a connu un succès précoce au théâtre à Paris avant d'épouser le colonel Nelson Swift Morris en 1933.
Le couple possédait des résidences à Chicago et Miami Beach et était connu pour son mécénat artistique et ses contributions philanthropiques. L'œuvre actuelle a été vendue en 1984 au profit d'une œuvre de charité, aux côtés d'œuvres majeures d'Henri Fantin-Latour, Eugène Boudin, Maurice de Vlaminck, Louis Valtat, Suzanne Valadon, Moïse Kisling et Camille Pissarro.
Provenance
Galerie Bernheim-Jeune, Paris (acquis de l'artiste en 1919).
Galerie Adolphe Basler, Paris.
Hammer Galleries, New York.
Vente Hammer Galleries, Sotheby's Parke-Bernet, New York, 15 avril 1959, n°37.
Blanche Swift Morris, Miami Beach.
Vente Blanche Swift Morris, Sotheby's, New York, 23 février 1984, n°3.
Ancienne collection Galerie Klopfer, Zurich (1987).
Expositions
Coral Gables, University of Miami, Joe & Emily Lowe Art Gallery, 18th, 19th and 20th Century Paintings, juillet - septembre 1962.
Catalogues
J. & G. Bernheim-Jeune, L'Atelier de Renoir, San Francisco, 1989, illustré sous le n°375 p.121.
G-P. & M. Dauberville, Renoir, Catalogue raisonné des tableaux, pastels, dessins et aquarelles, Vol. IV, 1903-1910, Paris, 2012, illustré sous le n°2920 p.143, (daté circa 1910).