Ce tableau d’Albert André, présente une scène intime et silencieuse : une jeune femme assise sur un lit, occupée à ajuster ses bas noirs. Vêtue d’une simple nuisette rose aux reflets délicats, elle est représentée dans une attitude naturelle, absorbée dans son geste. La composition est marquée par un contraste subtil entre les tons clairs du linge et les bleus profonds du fond, qui enveloppent la figure dans une atmosphère feutrée, presque onirique.

Albert André, peintre proche des Nabis et grand ami de Renoir, excelle ici dans l’art de capter l’instant quotidien. Loin de toute théâtralité, il montre une scène féminine avec une douceur teintée de pudeur. Le regard du peintre n’est ni voyeur ni distant ou du quotidien : il est complice, attentif, empreint de tendresse. Cette représentation trouve des échos directs dans l’œuvre de Pierre Bonnard, qui a longuement exploré les mêmes thématiques. Bonnard a peint, des années durant, sa compagne Marthe dans des moments d’intimité semblables, dans la salle de bain, à sa toilette, ou absorbée dans un rituel domestique. Comme chez Bonnard, la femme n’est pas mise en scène, mais simplement observée dans son univers familier, quasiment protégée par lui. Là où Bonnard utilise souvent des couleurs éclatantes et une lumière diffuse, André reste dans une palette plus contenue, mais partage cette même recherche du temps suspendu, de la vie intérieure. Tous deux traduisent une certaine poésie du quotidien, une sensualité discrète, une attention au détail qui rend la féminité précieuse.

Ce tableau témoigne ainsi d’une sensibilité rare. Il évoque sans l’imposer, suggère sans dévoiler, et nous invite à une contemplation calme, à l’écoute d’un silence habité.

« Dans les années 1880 et 1890, les bas des femmes ne pouvaient être que noirs, de coton pour les ouvrières et les servantes, de soie pour les privilégiés ». Thadée Natanson.