Dans Le pêcheur, peint en 1907, Raoul Dufy livre une œuvre profondément influencée par les expériences fauves de sa première période, tout en amorçant déjà la transition vers un langage plastique cubiste. L’huile sur toile révèle une scène de village au bord de l’eau, baignée d’une palette chaude de rouges, d’orangés, de bruns et de gris subtils, qui suggèrent à la fois la chaleur du midi et la mélancolie d’un monde rural en mutation.

Le titre évoque une figure centrale, celle du pêcheur, mais celle-ci se fond dans une composition où les formes sont fragmentées et stylisées. Le regard se perd dans les contours ondulants, presque abstraits, du paysage, typiques de l’influence de Cézanne et des recherches cubistes naissantes. On y retrouve des maisons aux volumes anguleux imbriqués les uns dans les autres, surplombant un plan d’eau traité par larges touches de couleur, presque mouvant, comme animé par une brise légère.
Ce tableau se distingue aussi par sa dédicace à André Robert, visible en bas à droite, où l’on peut lire la signature de Raoul Dufy accompagnée de la mention « à André Robert ».

Ce geste personnel ajoute une dimension intime à l’œuvre, ancrée dans les réseaux amicaux et artistiques de l’époque, André Robert étant l’assistant de l'artiste de 1918 à 1953.
Le pêcheur est emblématique de l’art de Dufy avant son tournant vers la légèreté et la gaieté chromatique qui marqueront ses œuvres ultérieures. Ici, la matière est dense, les tonalités assourdies, témoignant d’une période de recherche où l’artiste explore la structure de l’espace, l’organisation des volumes et les rapports de couleurs. Ce tableau se situe à la croisée des chemins entre tradition impressionniste, audace fauve, et prémices du cubisme. Il témoigne de la richesse de la période d’avant-guerre, où les avant-gardes françaises bouillonnaient d’inventivité, et où Dufy, encore en quête de sa propre voix, se nourrissait des influences de ses contemporains tout en affirmant progressivement son style si reconnaissable.